samedi 11 décembre 2010

Soutien controversé de Brice Hortefeux à des policiers condamnés

Reuters - Des magistrats et des responsables de gauche s'élèvent contre le soutien affiché par le ministre de l'Intérieur, un préfet et des policiers à sept agents condamnés vendredi après avoir été reconnus coupables de fausses accusations.
Près de 200 policiers "scandalisés" par le jugement ont manifesté vendredi soir en uniforme devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) avec des voitures toutes sirènes hurlantes.
Loin de condamner cette manifestation, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a estimé que le jugement pouvait "légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné".
Il a également demandé au préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, de rendre visite aux personnels du commissariat d'Aulnay-Sous-Bois, où étaient en poste les policiers mis en cause.
"La faute commise est indéniable, (...). Je suis pour autant très étonné de la décision du tribunal", a déclaré Christian Lambert après avoir rencontré les sept agents condamnés.
Samedi matin, Brice Hortefeux a dit ne pas vouloir aller plus loin "si ce n'est pour dire une chose simple".
"Je m'en suis entretenu hier après-midi et encore ce matin avec le garde des Sceaux Michel Mercier et je me réjouis de la décision du parquet de faire appel de ce jugement", a-t-il dit à la presse, en marge du conseil national de l'UMP.
Pour l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), ces réactions sont "ahurissantes".
"Le métier de la police n'est pas de faire des faux et de frapper des suspects. Ces faux auraient pu conduire une personne en cour d'assises où il encourait la réclusion à perpétuité", a dit à Reuters son président Christophe Régnard.
"CRITIQUE PERMANENTE DE LA JUSTICE"
La députée socialiste et ex-garde des Sceaux Marylise Lebranchu a condamné "avec fermeté" la manifestation de policiers.
"Le ministre de l'Intérieur doit prendre des sanctions immédiates contre ceux qui viennent de mettre en cause publiquement la justice alors qu'ils sont dépositaires de l'autorité publique", a-t-elle estimé samedi dans un communiqué.
"Si on en arrive là, c'est qu'on sent bien qu'il y a une critique permanente de la justice de la part des autorités", a-t-elle ajouté sur Europe 1, évoquant les déclarations répétées de Nicolas Sarkozy et de Brice Hortefeux sur les magistrats.
André Vallini, député PS de l'Isère, a également dénoncé l'attitude de Brice Hortefeux : "A force de stigmatiser les magistrats, le ministre de l'Intérieur aboutit à susciter des réactions démesurées de la part des syndicats de policiers."
En revanche, Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du PS à la sécurité, a renvoyé dos à dos policiers et magistrats.
"Comment comprendre qu'un cortège de plusieurs dizaines de policiers en véhicules de service, sirènes hurlantes, manifeste contre la décision de magistrats? Mais comment, parallèlement, justifier la variation dans les peines prononcées par ces mêmes magistrats?", demande-t-il dans un communiqué.
Les sept policiers reconnus coupables de violences et de fausses accusations de tentative d'homicide contre un homme ont été condamnés à des peines de six mois à un an de prison ferme.
Le tribunal correctionnel de Bobigny a en outre ordonné l'inscription au casier judiciaire pour cinq d'entre eux de la sanction, ce qui entraînerait une radiation automatique de la police si le jugement était confirmé en appel.
"MALAISE PROFOND" DANS LA POLICE"
Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet qui avait demandé lors du procès le mois dernier des peines de trois à six mois de prison avec sursis. Le parquet a décidé de faire appel du jugement, comme les prévenus, et il y aura donc un second procès.
Plusieurs syndicats de police ont soutenu leurs collègues.
Synergie-officiers parle de "déclaration de guerre à la police" par les juges. Le Syndicat national des officiers de police (Snop), tout en condamnant les actes des policiers visés, proteste quand même car selon lui les peines sont trop lourdes.
Nicolas Comte, d'Unité-SGP Police, a estimé que cette manifestation était l'expression d'un "malaise plus profond" et a dit "comprendre le désarroi des policiers." Mais il a insisté dans un communiqué sur le fait que la protestation devait "rester dans un cadre républicain".
Alliance a regretté pour sa part les propos de Marylise Lebranchu, qui ne peuvent selon "qu'envenimer les choses" entre policiers et magistrats.
Gérard Bon, avec Yann Le Guernigou, édité par Clément Guillou

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